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Le Double Sens de la Méditation avec le Philosophe Scientifique Edgar Morin

« La méditation? On entre dans une expérience vécue qui ne peut se transmettre sinon métaphoriquement, et laquelle donne le sentiment profond d’atteindre la vérité de l’univers, ou du réel. »

Lorsque j’ai commencé ce blog, je pensais surtout écrire sur la définition ‘orientale’ de la méditation: une contemplation de l’instant présent où la pensée passe en arrière-plan. Puis au long des mois, le besoin d’approfondir la réflexion m’a amener à méditer certains sujets. ‘Méditer’ selon le sens classique du terme que Michel de Montaigne décrivait comme « un moyen riche et puissant pour quiconque sait comment examiner son esprit et s’y emploie avec vigueur. » Méditer pour retrouver le moment présent, mais également méditer pour mieux comprendre le monde autour de soi. Ces deux formes de méditation se complètent de plus en plus dans mon quotidien.

D’où mon agréable surprise de redécouvrir un entretien avec Edgar Morin, philosophe, sociologue et directeur de recherche au CNRS, dans lequel il expose la nécessité de cette double méditation (ressenti et réflexion) pour permettre l’épanouissement de l’être et de la société.

Selon Edgar Morin, on ne peut séparer la contemplation (méditation orientale) de la méditation sur le sens des évènements de la vie. Dans son entretien publié en 1988 dans la première édition de Clé Magazine, il explique le double sens du mot méditation.

Le premier sens du mot méditer, c’est de réfléchir de façon à la fois calme et approfondie, se donner le temps, après une lecture, après un spectacle, voire après un repas, de savourer, de soupeser […]

Ce type de méditation, qui pouvait exister dans la culture occidentale des siècles passés, tend à être éliminé par la chronométrisation généralisée et accélérée de tout.

[…]

Les pensées orientales arrivent vers l’Occident, d’abord sous les formes les plus assimilables, c’est-à-dire les yogismes. À travers ces formes, le mot de méditation réapparait. Mais avec un deuxième sens… Il s’agit de méditer ce qui est à la limite même de la pensée.

Le philosophe constate que la société et ses individus ne prennent plus le temps d’approfondir la réflexion et que cela les prédispose à faire les mêmes erreurs.

Celui qui oublie l’erreur qu’il a faite dans sa vie est condamné à la répéter. Nous ne prenons pas le temps de méditer sur nos erreurs. En fait, la méditation ajoute à la réflexion une sorte de temps plus relâché, plus organique, plus biologique.

Tout va très vite (déjà en 1988!) et les gens subissent leur quotidien plutôt que de le vivre.

Nous sommes tous des gens pris dans un activisme généralisé. Celui-ci n’est pas de l’action: nous ne sommes pas actifs, nous sommes activisés. Ce qu’on croit être de l’action est en fait complètement subi, car ce qui nous catapulte, ce sont les coups de téléphone, les rendez-vous, les obligations…

Pourquoi ne prend-on plus le temps de réfléchir en profondeur sur le sens de la vie? Edgar Morin pointe du doigt la peur de l’inconnu, du « néant ». D’origine juive séfarade, mais se déclarant athée, il constate que la culture, d’abord religieuse puis scientifique, fait tout pour nous donner l’illusion que ces questions existentielles ne sont plus nécessaires, pour nous rassurer et nous garder dans les rangs.

D’où vient le problème? Notre culture européenne est d’abord l’héritière du judéo-christianisme, c’est-à-dire de traditions qui éliminent le néant individuel, en disant à chacun: vous serez sauvé, il y aura la résurrection du corps. Cette idée on la trouve déjà chez les prophètes qui précèdent le Christ. Autrement dit, chaque individu a le moyen d’éliminer sa propre mort.

Ensuite, ce qui a succédé au christianisme, toute la pensée laïque qui démarre avec le rationalisme, la science, la technique, est une pensée qui va vers la conquête du monde, et qui, par là même, dissout elle aussi le néant. Ce progressisme voit l’homme devenir le maître absolu de la nature.

Mais déjà à la fin du siècle passé, et encore plus aujourd’hui, ces certitudes perdent de leur poids.

Notre siècle aboutit à la double idée qu’il n’y a de certitude ni philosophique ni scientifique. Bien entendu, il y a des tas de certitudes locales, régionales, mais nous n’avons plus de certitudes absolues sur lesquelles fonder un système de pensée qui serait une lumière sur toute chose.

C’est là que le sens oriental de la méditation devient salvateur, car la méditation va permettre de reprendre conscience de l’aspect invisible de la vie. Même une partie de la science (trop peu importante regrette Edgar) semble embrasser la nécessité d’atteindre à travers l’expérience la « vérité de l’univers ».

Chez les scientifiques, c’est la quête d’un Bernard d’Espagnat ou d’un David Bohm, qui, par des moyens différents, arrivent à l’idée qu’il y a quelque chose de nécessaire à notre univers spatio-temporel, mais qui échappe au temps et à l’espace.

[…]

Dans tout ce qui se situe en deçà du temps et de l’espace, il n’y a plus de séparation possible, c’est l’inséparabilité dont parle d’Espagnat. Et donc on arrive par les voies de la science à l’idée qu’il y a une sorte de totalité indicible dont on ne peut rien dire et dont on ne peut simplement que reconnaître l’existence, sans pouvoir même la situer.

Face à cela, nous sommes sommés de méditer. On entre dans une expérience vécue qui ne peut se transmettre sinon métaphoriquement, et laquelle donne le sentiment profond d’atteindre la vérité de l’univers, ou du réel.

Edgar Morin conclut son entretien en indiquant que le changement ne peut venir qu’au niveau individuel. Et il insiste sur la nécessité d’une double méditation. D’une part, approfondir la réflexion et d’autre part développer l’écoute interne (méditer immobile) pour ne plus subir le monde, mais l’habiter pleinement.

La seule chose que je crois, c’est que la révolution salutaire ne pourra pas venir uniquement de l’extérieur, c’est-à-dire par des réformes d’institutions, par des changements économiques et politiques. La mutation viendra aussi de l’intérieure, et sans doute à deux niveaux: d’abord par ce que j’appelle la réforme de pensée, qui consiste à penser d’une façon plus complexe et plus riche, plus adéquate, moins mutilée; et deuxièmement par une réintériorisation de l’existence humaine, qui cessera de s’agiter dans tous les sens uniquement en fonction des conquêtes extérieures.

Le travail d’Edgar Morin, docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde, « exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen et en Amérique latine, et jusqu’en Chine, Corée, Japon. »* Je trouve encourageant qu’une telle figure intellectuelle soutienne l’importance d’un retour vers soi à travers l’expérience et la réflexion.

Grâce à nous tous, le monde peut graduellement évoluer vers plus de conscience et de compassion, et vers moins de souffrances. Commençons chacun chez soi par prendre le temps de méditer, ne serait-ce que 10 minutes par jour.

Sources: Clé magazine n°1 ; illustration de tiverlucky ; *Edgar Morin wikipedia; brainpickings pour la citation de Montaigne.

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Définitions et Lexique Méditer Définition Vipassana

Méditer/Méditation Définition

Dans cet article, vous trouverez les définitions du mot méditer (méditation), son étymologie, et l’évolution de son sens dans la langue française. J’ai également donné la définition de méditer selon le bouddhisme qui a le plus contribué à faire connaître l’autre compréhension de la méditation.

Définition Méditation

Selon le Larousse*

Action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de quelque chose : Cet ouvrage est le fruit de ses méditations.

Attitude qui consiste à s’absorber dans une réflexion profonde : Se plonger dans la méditation.

Oraison mentale, application de l’esprit à des vérités religieuses.

Selon Wikipédia*

Le terme méditation (du latin meditatio) désigne une pratique mentale ou spirituelle. Elle consiste souvent en une attention portée sur un certain objet de pensée (méditer un principe philosophique par exemple, dans le but d’en approfondir le sens) ou sur soi.

La méditation implique généralement que le pratiquant amène son attention de façon centripète sur un seul point de référence.

Selon le bouddhisme*

Le terme le plus proche dans les langues classiques du bouddhisme est bhavana, qui signifie “développement mental”.

Dans le bouddhisme, la méditation correspond à une pratique postural, mentale, relaxante et rigoureuse. Il existe deux classes de pratiques en matières de méditation:

Shamatha (calme) développe la capacité de focaliser l’attention en un seul point.

Vipassana (vision) développe la perspicacité et la sagesse en voyant la vraie nature de la réalité.

La personne qui médite débute par instaurer le calme dans son esprit (shamatha) pour pouvoir ensuite développer une vision plus vrai de ses ressentis et de la réalité.

Étymologie de méditer

Du latin Meditari dont le sens propre est « s’exercer au physique et au moral ».  Signifie «préparer quelque chose par une longue réflexion, projeter.

Histoire du terme méditation

1250: meditatiun « contemplation »

1380 meditacion « action de réfléchir profondément »

1626 méditation « écrit sur un sujet religieux (ou philosophique) »

1762 méditation (Dictionnaire de l’Académie Française) “Penser attentivement à faire quelque chose, à faire réussir ce qu’on a dans l’esprit” et “Faire l’oraison mentale”

1798 méditation (Académie Française) “Occuper son esprit de l’examen d’une pensée, ou de l’exécution d’un dessein”

1835 méditation (Académie Française) “Réfléchir sur quelque chose, l’examiner mûrement, de manière à l’approfondir.”

Définition Méditation: 2 Sens Opposés et Complémentaires

En Français le terme méditation prends 2 sens opposés. Mais, comme nous allons le découvrir, ces 2 lectures de la méditation sont complémentaires.

Le première définition de la méditation nous est donnée par le Larousse qui la décrit comme « l’action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de quelque chose ».*

La seconde définition note que la méditation implique « d’amener son attention sur un seul point de référence ».*

Dans la première lecture du terme méditation, il est question d’utiliser la réflexion pour aboutir à un résultat. Les pensés se succèdent alors cherchant une solution à une situation donnée : « Il a longuement  méditer sur sa situation professionnelle ».

La seconde définition consiste à focaliser l’attention sur un point précis : la respiration, une partie du corps, la flamme d’une bougie ou encore une prière ou un mantra. Ici, l’attention est attentive à un ressenti. On ne cherche pas à résoudre un problème ou à comprendre un événement. On se contente d’être présent et d’observer sans mettre en mots l’objet de notre observation.

La première définition que l’on pourrait qualifier d’occidental indique un mouvement des pensés (notion d’action) alors que la seconde définition plutôt orientale implique au contraire de calmer le flot des pensés et de focaliser le mental sur un ressenti.

Je trouve fascinant que ce même terme présente deux actions opposées mais surtout si essentielles au bien-être de chacun. En effet, prendre le temps de réfléchir à sa situation –  faire le point et clarifier ce qui est important pour nous – reste indispensable pour une vie équilibrée et épanouie. De même, mettre en pause le mental et ressentir la force du moment présent, est un excellent moyen de se ressourcer corps et esprit.

J’ai couvent pu constater que prendre le temps de méditer m’aider à mieux réfléchir ensuite à des situations impliquant de multiples facteurs à prendre en compte. Si au cours d’une réflexion je me sens bloqué et frustré de ne pas connaître l’étape à suivre, je me lève pour aller marcher ou m’étirer tout en respirant en pleine conscience. Cela suffit souvent à amener plus de fraicheur au niveau des pensés et une nouvelle perspective au problème auquel on fait face.

Le terme ‘méditation’ offre un bel exemple de la complémentarité des cultures de l’occident (action, modernité) et de l’orient (ressenti, sagesse). Je suis heureux de vivre à une époque où la richesse de ces deux cultures nous est accessible.

Définir la méditation: entre traditions et science

La méditation qui consiste à prêter attention à la réalité est souvent associée à des traditions, religions et philosophies. Cependant, méditer peut avoir lieu indépendamment de toutes croyances. Depuis que la méditation a été adoptée par l’occident, sa pratique et ses bienfaits ont été scrutés par la science, et l’on peut aujourd’hui pratiquer la méditation sans adhérer à aucune tradition. Regardons de plus près comment la méditation se définit entre traditions et science.

vipassana méditer définition
Un groupe en Inde pratiquant Vipassana qui peut se traduire par « développement de la vision supérieure ».

Yoga, Vipassana, Zazen, … vous êtes certainement familiers avec ces termes qui sont issus de l’Orient. Le Zazen et Vipassana traduisent l’acte de méditer dans le bouddhisme. Le Zazen étant le terme utilisé au Japon, alors que Vipassana vient d’Inde. Dans les deux cas il est question de prêter attention à ce qui est.

Mais pourquoi donc s’asseoir pour méditer et être dans le présent ? Selon le bouddhisme, cette pratique permet de prendre conscience du changement perpétuel du monde. On peut alors dépasser l’attachement aux choses et à nos désirs qui sont à la source de notre souffrance. Méditer permet donc de dépasser l’ignorance due à notre vision faussée du monde, et de par là même nous libérer de nos désirs et de nos peurs.

zazen méditer définition
Le Zazen pratiqué par Taisen Deshimaru (1914-1982) qui fût l’un des pionniers de l’introduction du bouddhisme zen en Europe.

La tradition du Yoga offre également une vision globale de la pratique de la méditation. Les 8 membres du Yoga (selon Patanjali) proposent une hygiène de vie qui va favoriser la libération de l’être. Le 7e membre est Dhyâna (méditation). Méditer dans le Yoga traditionnel s’intègre donc dans un système qui couvre tous les aspects de la vie : Éthique sociale, éthique individuelle, posture physique (C’est cette partie du yoga qui est surtout connu en occident), Régulation du souffle ou Pranayama, Contrôle des sens, concentration, méditation, et état d’unité.

Dans ces traditions qui nous viennent de l’Orient, la méditation offre un moyen d’épanouissement spirituel. En Occident, la pratique de la méditation ne s’attache pas à une philosophie ou à une religion particulière, et son but est surtout de faire du bien à la personne qui la pratique. L’un des premiers à s’être intéressé à une approche non traditionnelle de la méditation est le Pr. Jon Kabat-Zinn qui dès 1979 l’a intégré en milieu hospitalier pour aider les patients à gérer le stress.

Jon-Kabat-Zinn Méditer définition
Né en 1944, Jon Kabat-Zinn, professeur émérite de médicine, fonde la Clinique de Réduction De Stress où il utilise le MBSR.

Il a créé la MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) ou « Réduction du stress basée sur la pleine conscience » où les personnes apprennent à méditer. C’est donc une pratique dépouillée de toutes traditions qui va peut à peut se développer dans les milieux cliniques. Des recherches scientifiques révèlent alors que la méditation est non seulement efficace pour réduire le stress, elle offre également de nombreux bienfaits tant au niveau mental que physique.

La méditation évolue aussi dans la sphère privée où de nombreuses personnes l’adoptent pour se sentir mieux, pour mieux gérer les difficultés du quotidien, et pour ressourcer leur corps. Aujourd’hui, beaucoup de méditant choisissent de ne pas s’associer à une tradition et considèrent la méditation comme une pratique autonome et indépendante de toutes croyances.

Ce qui est fascinant avec la méditation c’est : que l’on choisisse de la pratiquer seul ou dans le cadre d’une croyance tel le bouddhisme, elle offre les mêmes bénéfices. Méditer est avant tout une expérience et ses bienfaits sont instantanés mais également pérennes qu’ils soient au niveau spirituel (vu par les traditions) ou au niveau mental et physique (vu par l’Occident).