Vous dit-on souvent que vous êtes agréable et de bonne compagnie? Que vous avez une bonne écoute? Qu’il est facile de vous parler?
Si vous répondez par l’affirmatif, il se peut que vous ayez un gourmand besoin d’appartenance, un besoin qui risque de brider votre expression.
À trop vouloir être accepté et aimer par les autres on risque de ne plus savoir ce qui est réellement important pour soi.
Alors avez-vous un gros besoin d’appartenance?
C’est ce que j’explore dans cet épisode.
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Besoin d’Appartenance Podcast
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Livre sur la solitude Lisa, 36 ans, se sent seule.
Retranscription de l’épisode
Croissant et confiture
Pour la semaine de pâque, j’ai été voir ma soeur et sa famille en Irlande. Mon avion a atterri tard le soir à Dublin. Ensuite, il m’a fallu un peu plus d’une heure de route pour arriver à Carlow, une petite ville du sud-est de l’Irlande où ma soeur, son mari et leurs deux enfants habitent.
Lorsque je suis arrivé à leur maison, les enfants dormaient déjà. Ce n’est que le lendemain matin que j’ai vu mon neveu, 6 ans, et ma petite nièce, 2 ans. Après de gros câlins, on s’est tous dirigé vers la cuisine pour prendre le petit déjeuner.
Mon petit neveu me dit avec sa petite voix de Donald Duck:
– Qu’est-ce que tu veux manger? – et sans me laisser le temps de répondre, poursuit content de lui -, moi je vais manger un croissant avec de la confiture!
Il avait les yeux qui brillaient et attendait ma réponse.
– Trés bon choix! Je vais manger comme toi.
Mon neveu fut satisfait de ma réponse, car un large sourire éclaira encore plus son petit visage.
Sa mère adossée contre le rebord du plan de travail avait un petit sourire. Elle m’expliqua qu’habituellement il mangeait des céréales le matin. Mais il avait dû l’entendre dire que tonton mange des croissants et de la confiture le matin. Et maintenant, il voulait manger comme moi.
J’adore mes neveux et mes nièces et ce genre d’épisode m’attendrit encore plus.
Pour un enfant, faire comme un grand est un signe d’amour. C’est une façon de communiquer son amour pour aussi recevoir de l’amour. En faisant pareil, l’enfant manifeste ainsi son appartenance : « Je fais comme toi, car on fait partie du même clan. Si je fais partie de ton clan, tu vas me protéger et me nourrir. » Et bien sûr, il fait cela d’une manière inconsciente.
L’enfant se conforme aux attentes de ses parents. Car très jeune il associe cela à une expérience positive: si je fais comme mes parents je reçois leur amour. À l’opposé, lorsque je fais une bêtise, je ressens leur désaccord et je me sens rejeté, exclu: « va dans ta chambre! »
Les enfants manifestent donc un grand besoin d’approbation. Puis, en grandissant et en gagnant graduellement en autonomie, ce besoin va diminuer.
À noter que l’adolescence est une étape délicate, car le besoin d’appartenance au groupe est encore bien présent, mais les règles sont plus complexes et diversifiées.
L’adolescence: période de conflits internes
Un enfant a largement le temps d’intégrer les règles de la famille. Mais une fois propulsé dans la vie sociale à travers l’école il va être confronté à des visions différentes du monde. Parfois ces visions sont conflictuelles avec l’éducation qu’il a eue.
L’adolescent continue d’essayer de suivre les règles familiales et culturelles tout en essayant d’intégrer de nouvelles règles sociales et de trouver sa place dans un environnement plus vaste et plus varié. Le besoin d’appartenance peut être source de réconfort et de support lorsque le jeune adulte trouve sa place, ou bien cela peut devenir source de souffrance et de manque de confiance.
Mais qu’en est-il de l’adulte que nous sommes aujourd’hui. Comment appréhender ce besoin d’appartenance?
Car contrairement aux enfants et aux adolescents qui vivent de trop près ce besoin, un adulte est en capacité de prendre du recul par rapport à ce dernier. Il est possible de mettre en lumière ce besoin et de voir comment il continue à se manifester aujourd’hui dans notre vie.
Si ce besoin est nécessaire au développement des enfants, il risque de nous entraver en tant qu’adulte.
Être agréable
Lorsque l’on pense à l’attribut agréable, on voit généralement cela comme quelque chose de positif. Mais est-ce toujours le cas?
Si l’on regarde l’étymologie d’agréable, il y a la partie able qui vient de capable, être de capable de… et agré qui vient d’agréer qui veut dire convenir, plaire, accueillir avec faveur.
Être agréable c’est donc être capable de convenir. Cette capacité à convenir, à rentrer dans le moule, à faire plaisir, à caresser dans le sens du poil, à éviter le conflit … en d’autres termes à être agréable est une valeur qui est perçue comme positive dans la société.
Et bien entendu, se conformer à certaines règles est indispensable aux vivre ensemble. Toutes les sociétés humaines se sont construites autour de certaines valeurs communes. Mais le besoin de se conformer peut être chez certaines personnes une entrave à leur épanouissement personnel. Surtout lorsque ce besoin reste inconscient.
Peur du rejet
Certaines personnes continuent à fonctionner comme des enfants. Ils perçoivent tout rejet comme une mise en danger de leur personne. Si, comme on l’a vu, pour un enfant c’est une réalité – être rejeté par ses parents s’est risquer de mourir (ne pas être nourri, ne pas être protégé) – un adulte lui est rarement en danger face à un rejet.
Pourtant, certaines personnes ressentent une grande inquiétude face au rejet. Ces personnes redoutent la réprobation de leur patron, les critiques de leurs proches, ou l’indifférence en générale. Elles recherchent à être acceptées en faisant plaisir et en se conformant aux attentes des autres. C’est parce qu’inconsciemment, elles continuent à percevoir l’acceptation des autres comme une nécessité à leur survie. Ces personnes sont des adultes, mais n’ont pas encore trouvé leur autonomie. Elles ont besoin de la validation des autres (surtout des figures d’autorité) pour se sentir aimé et en sécurité.
Le problème avec ce fonctionnement c’est qu’il va brider notre expression. Au lieu de dire et de partager ce que l’on ressent, on va vouloir faire plaisir et être bien perçu. Si cela peut pendant un certain temps amener de la stabilité et du bien-être, cela va ensuite nourrir un sentiment de frustration.
Les relations aux autres ne seront pas satisfaisantes, car on ne se permet pas d’être soi-même. On va se sentir incompris et de plus en plus isolé. Si je communique une version étriquée et bridée de qui je suis, le monde va m’envoyer cette image en retour. Donc paradoxalement, en cherchant à être accepté et aimé, on va sentir davantage aliéné.
La solution: plus de conscience
Comme pour la plupart de ces mécanismes inconscients qui nous limitent et nous font souffrir, il va être bénéfique d’amener sa pleine conscience sur le besoin d’appartenance.
La prochaine fois que vous vous sentirez rejeté ou incompris, amenez toute votre attention sur vos ressentis (émotions et sensation du corps) et aussi sur vos pensées. Au lieu de plonger pleinement dans les sentiments d’exclusion et de peur, observez votre langage intérieur. En faisant cela régulièrement, vous allez graduellement aligner vos sensations avec votre expérience.
C’est comme si l’on rassurait l’enfant qui est en soi: « Tu n’es pas en danger même si tu sors du moule. Tu peux exprimer ce que tu veux, t’habiller différemment, dire ton désaccord. Tu es devenu un adulte autonome capable de créativité. »
Plus de conscience, c’est plus de lucidité. C’est être capable de voir la réalité dans le moment présent au lieu de la filtrer à travers des mécanismes qui ne sont plus adaptés ni nécessaires.
La réalité c’est que déplaire parfois aux autres ne vous mettra pas (à moins que cela soit à un mafieux sanguinaire) en danger de mort. Ça peut sembler évident, mais tant que cela n’est pas bien conscientisé, c’est plus fort que soi. On continue à fonctionner comme des enfants et à percevoir tout rejet – ce qui est l’opposé de l’appartenance – comme un risque à notre propre existence.
En allumant régulièrement les lumières de notre conscience (la pratique de la méditation peut être une aide précieuse), on va pouvoir s’affranchir de certains conditionnements et continuer la découverte de la personne que nous sommes aujourd’hui.
On vient de voir que si le besoin d’appartenance est naturel et nécessaire pour le développement d’un enfant, il risque de nous entraver en tant qu’adulte. Bien sûr, il est nécessaire d’intégrer les règles du vivre ensemble, mais pas au détriment de notre épanouissement.
Mettre en lumière ce besoin va nous aider à prendre du recul sur notre rapport aux autres.
La pratique de la méditation va être intéressante pour cela, car elle va permettre de tourner l’attention en soi.